Les nouveaux contes de fée
L’étoile
miraculeuse
Avez-vous jamais eu envie de savoir
voler ? Bien sûr que oui ! Est-ce que ça peut arriver, comme ça, sans
moteur ? Savez-vous que c’est déjà arrivé ? Ecoutez !
Il y eut une fois un royaume terriblement
dangereux, Dinomundia. Il n’y avait
ni roi, ni président, ni aucune forme de gouvernement. Dinomundia était peuplé d’animaux de tous genres, mais, comme son
nom l’indique, les dinosaures y régnaient en maîtres et leur règne était celui
de la terreur. Les théropodes, et notamment le terrible Tyrannosaurus rex semaient la terreur dans le royaume, assistés et
concurrencés par de nombreux autres horreurs sur pattes. Peu de dinosaures, et
aucun autre animal, n'arrivaient à résister à leur terreur. Il n’y eut guère que
le Triceratops qui avait quelque chance d’avoir le dessus. Seuls les
brontosaures—on
les appelle aujourd’hui des apatosaures—les diplodocus et les autres saures de
taille immense pouvait brouter en paix. Leur taille les mettait en général à
l’abri d’ennuis.
Vous le comprendrez, Dinomundia n’était pas un des endroits les plus heureux et
paisibles.
Le royaume avait poursuivi son existence
peu enviable depuis aussi longtemps que les troödons pouvaient s’en souvenir.
En fait, cela veut dire qu’on l’ignorait. Le temps n’avait jamais été une
préoccupation à Dinomundia. On
mangeait. On s’entre-mangeait. On dormait. C’est tout.
Pourtant, très loin du royaume, au-delà
de l’horizon et par-dessus tous les horizons, un danger s’approcha. Au-delà
d’Antares, Dar, le dieu des changements et du bricolage, avait décidé
d’intervenir et de mettre fin au malheur de Dinomundia.
Dar était un bricoleur de première importance. Il avait horreur des moyens
brutaux. Habituellement, il agissait en bricolant ses améliorations par tous petits
pas. Quand il avait tout réfléchi, il envoya son serviteur Win, un
esprit fluet et habile, pour se faufiler dans les interstices des gènes pour y
apporter les mini-changements surgis dans le grand cerveau de Dar. Il changeait
un A par ci, un D par là, un N encore ailleurs, de sorte que la vie ne pouvait
que s’améliorer. Ainsi, les mille-pattes avaient peu à peu vu augmenter le
nombre de leurs pattes. Pendant une éternité, chaque maman “mille-patte” avait
eu des bébés avec une paire de pattes en plus. Quand le chiffre mille fut
atteint, Dar avait décidé d’en rester là. Pour
les brontosaures et les diplodocus, Dar avait eu envie d’extravagance et, se
glissant dans des interstices géniques de plus en plus béants, Win avait
bricolé les queues et les cous de ces bêtes qui avaient gagné un centimètre par
génération. Cela peut paraître peu, mais tout dépend combien de temps vous
jouez à ce jeu ! Pourtant, avec
l’avènement de Dinomundia, il y avait
eu des ratages colossaux et le résultat était la terreur. Il fallait donc y
remédier.
Mais comment ? Envoyer Win pour
entamer le processus à l’envers ? Dar y était formellement opposé. Il ne
croyait pas, mais alors pas du tout, dans les montres qui tournaient à l’envers.
C’est peut-être parce qu’il n’avait jamais appris à marcher en arrière ! Puis,
il aurait fallu admettre qu’il avait fait une erreur. Impossible ! Quand
tu habites au-delà d’Antares, tu ne te trompes jamais.
Enfin, il eut une idée géniale. Il
rappela Win (pour ne pas le blesser) et envoya quelques gros morceaux d’étoile—il en
possédait un stock important—se promener en direction de Dinomundia. Le résultat fut étonnant, à
la fois prévu et imprévu. De gigantesques boules de feu éclatèrent dans le
royaume. L’oxygène brûla, les poussières causèrent un hiver sombre et froid
durant de longues années, des pluies acides détruisirent tout ce qui poussait.
Tout le petit monde de Dinomundia
disparut dans les cataclysmes. Cela, c’était prévu. Quand vous faites exploser une bombe de cet
acabit, ça fait de gros dégâts.
Mais il n’y eut pas que des résultats
prévus. Le résultat imprévu fut que des dinosaures ont quand même survécu. [1]
Et recevoir un morceau d’étoile sur la tête les avait manifestement affectés. Ils
ne tenaient plus en place. Ça courait et ça sautait de partout. On eut dit
qu’ils n’avaient plus qu’une seule envie : échapper à la terre. On les
voyait courir en battant leurs pattes antérieures de toute leur force.
Voulaient-ils échapper aux prédateurs ? Ou souffraient-ils d’un complexe
de persécution ? D’autres grimpaient dans les arbres pour ensuite se
laisser tomber en battant leurs pattes aussi frénétiquement que les autres.
C’était comique à voir et on aurait pu en rire s’il n’était pas aussi évident
qu’une grande angoisse s’était saisi des pauvres. Ils étaient clairement
malades. Dar observait son œuvre avec perplexité. Il aurait aimé envoyer son
serviteur pour assister les survivants, mais l’état de frénésie était tel que Win
n’aurait eu aucune possibilité d’agir. Il fallait laisser faire la nature.
Après un certain temps de ce comportement
étrange, une chose étonnante arriva. Un vélociraptor, à force de courir et de
se battre les pattes a réussi à … voler ! Ne riez pas ! Peu à peu,
des plumes étaient apparues sur ses pattes de devant et l’angoisse lui avait
donné des ailes. Plus tard, on parlerait de syndrome AIF (Désolé, c’est en
Angais ! Anguish Induced Flight, où il faut sans doute comprendre le mot anglais
“flight” dans les deux sens : fuite et vol. Il s’agit du syndrome VSA, vol
stimulé par l’angoisse, bien que certains scientifiques préfèrent parler de
syndrome FSA, fuite stimulée par l’angoisse).
Bien sûr, il ne faut pas s’imaginer que
tout allait comme sur des roulettes. Beaucoup de raptors gisaient par terre, le
cou brisé par les chutes. Les pattes cassées ne se comptaient plus. Mais
l’angoisse avait eu un résultat retentissant. Ils savaient voler, enfin, plus
ou moins ! Ils pouvaient enfin s’arracher à la terre. Ils étaient
libres !
Dar regardait tout cela avec un certain
amusement. Il n’avait rien prévu de tout cela. Les débris d’étoile avaient dû
leur monter au crane. Mais quel résultat prodigieux ! Une fois que la paix
reviendrait, il enverrait Win pour opérer quelques bricolages afin de profiter
de l’imprévu et de bâtir une nouvelle espèce.
Dans la forêt, une chose semblable
s’était passée. Le sol était par endroit tapissé de raptors écrasés.
Franchement, ils n’étaient pas prévus pour ce genre de vie. Dar prenait note de
leur incapacité et se demandait comment y répondre. Mais une fois de plus, il
fut pris de court. A force de sauter de branche en branche, les raptors
développaient un genre de membrane qui se mit à relier les membres antérieurs
et postérieurs. Peu à peu, au lieu de tomber, certains raptors semblaient comme
glisser dans l’air. En continuant à battre leurs pattes, il y en a même qui ont
réussi à s’élever. Eux aussi avaient réussi à s’arracher à la terre.
Les dinosaures ont disparu depuis
longtemps. Mais l’étoile mystérieuse qui avait tout détruit avait aussi donné
les oiseaux. Les dinosaures étaient devenus des dindes, des poulets, des
canards et des goélands ! Ils ont appris à voler.
Mais ne pensez pas imiter les dinosaures.
Ce n’est pas en courant et en bougeant les bras très fort qu’on devient un oiseau !
Il faut l’étoile. Mais oui ! Et il faut l’angoisse, la peur. Mais si, à l’avenir,
un astronaute devait revenir de l’espace avec un comportement angoissé, au
point qu’il se met à courir partout en jetant ses bras en l’air, rappelez-vous
des dinosaures. Et regardez bien s’il commence à pousser des plumes. Alors,
vous saurez.
Qui peut le dire, peut-être que cette
fripouille de Win s’est déjà glissé entre vos gênes … Mais, franchement,
je n’y crois pas trop. Je pense que Dar s’intéresse aux hommes comme il
s’intéresse aux mille-pattes : plus du tout. J’ai comme l’impression qu’il
s’est choisi un nouveau terrain de chasse. Je peux me tromper, mais je pense
qu’il a envoyé Win à se glisser dans … les voitures ! Il a déjà commencé à
déconnecter les clignotants. Regardez bien autour de vous. Sur la plupart des
voitures, ça ne fonctionne plus. Peut-être que bientôt, nous verrons des
voitures sans clignotants ! Alors, vous saurez que Win a encore frappé.
Un
petit mot réservé aux enfants :
J’espère que vous avez aimé ce conte.
Bien sûr, vous aviez compris que ce n’est qu’un conte. Mais savez-vous qu’il y
a pas mal d’adultes qui croient que c’est comme ça que les choses se sont
passées ? N’allez pas tout de suite leur dire que ça n’existe même
pas ! Vous vous rappelez quand vos parents vous ont parlé du Père Noël ou
de la petite souris ? En grandissant, vous avez compris tout seul que ce
ne sont que des jolies histoires. C’est comme ça pour les adultes. En
vieillissant, ils vont découvrir que les histoires de Dar et de son serviteur
Win ne sont que des histoires. Si vous le leur dites trop tôt, ils vont
peut-être se fâcher, comme vous quand un copain vous a dit trop tôt que le Père
Noël n’existe pas.
En fait, mais vous le saviez
probablement, c’est Dieu qui nous a créés. Il nous a faits avec deux jambes,
deux yeux, un nez. Et ça n’a jamais été autrement. Quand Dieu a voulu créer les
hommes, il n’a pas commencé avec une larve. Il nous a faits dès le début comme
on est maintenant. Il a aussi raconté cela dans un grand livre : la Bible.
Au tout début de ce livre vous découvrirez comment Dieu a créé le monde.
Vous voyez, on peut bricoler les choses,
mais on ne bricole pas la vie, et encore moins les hommes.
Ne l’oubliez jamais.
Et
un petit mot aux parents :
Vous l’aviez sans doute compris. Ce conte
fait partie du genre docufiction, comme nous en voyons aujourd’hui des tas.
Dans une docufiction, il y a documentaire et fiction. Les limites entre les
deux sont souvent difficiles à distinguer. Intuitivement, nous croyons que c’est
plus ou moins 50-50. Une docufiction est, pensons-nous, une réalité prouvée légèrement illustrée pour la
rendre visible. Cela est sans doute vrai pour un certain nombre. Mais il y a des docufictions où la part de la fiction est de 95 à 99% et la part du documentaire, (entendez : réalité prouvée au-delà de toute
discussion) est donc de … Mais non, je ne vais pas vous le dire. Après tout,
vous savez certainement calculer encore mieux que moi. La prédominance de la fiction est particulièrement évidente dans les docufictions qui mettent en scène le passé lointain, voire très lointain. Dans ces cas, l’appréciation
de la proportion dépend généralement de la naïveté des
lecteurs ou des spectateurs. Aujourd’hui, cette naïveté a atteint des
proportions géantes.
Sachez cependant, que l’origine des
oiseaux est aujourd’hui couramment comprise comme indiqué dans ce conte. Cela
dit loin sur l’état d’une certaine science aujourd’hui. Après tout, si on peut
croire cela, c’est qu'on peut croire n’importe quoi ! Bien sûr, ce n’est
pas à moi de vous dire ce qu’il faut croire. Mais je vous supplie d’utiliser
votre cervelle. Cela vous évitera de tenir vos enfants en laisse de peur qu’ils
s’envolent à leur tour.
[1]
Les traditions sont assez confuses à ce sujet. Tout fut détruit et rien
n’aurait pu survivre. Pourtant, on retrouvait des dinosaures après. Tout effort
pour réconcilier les deux traditions a été vain jusque là. Mais rappelez-vous
que dans un conte de fée, tout est possible !
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